Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/34

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Mrs. Grose feignit de s’appliquer à faire une réponse consciencieuse :

« Sur certains points, oui.

— Mais pas sur tous ? »

Elle réfléchit de nouveau.

« Voyons, mademoiselle, elle n’est plus là, je ne veux pas faire de rapports sur elle.

— Je comprends parfaitement votre sentiment », me hâtai-je de répliquer. Mais, un moment plus tard, je ne crus pas contredire cette concession en poursuivant :

« Elle est morte ici ?

— Non. Elle avait quitté. »

Je ne sais pourquoi ces brèves réponses de Mrs. Grose me frappaient comme ambiguës.

« Elle avait quitté… pour aller mourir ? »

Mrs. Grose regardait par la fenêtre, droit devant elle, mais je sentais que, par définition, j’avais le droit de savoir comment étaient traitées les jeunes personnes engagées à Bly.

« Vous voulez dire qu’elle est tombée malade, et qu’elle est retournée chez elle ?

— Elle n’était pas tombée malade ici, — à la voir. À la fin de l’année, elle partit passer chez elle de courtes vacances, à ce qu’elle dit. Étant donné le temps qu’elle avait passé ici, elle y avait, certes, bien droit. Nous avions alors depuis quelque temps, une jeune bonne qui s’occupait des enfants sous ses ordres ; c’était une brave fille, qui savait bien son affaire, et elle se chargea d’eux pendant son absence. Mais notre jeune institutrice ne revint jamais. Au moment même où je m’attendais à son retour, notre maître m’apprit qu’elle venait de mourir. »

Je me remis à rêver là-dessus.

« Mais… de quoi ?

— Il ne me l’a pas dit. Mais, s’il vous plaît, mademoiselle, dit Mrs. Grose, il faut que je retourne à mon ouvrage. »

Et elle me tourna le dos.