Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/58

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Il fut donc, ce soir-là, définitivement admis entre nous que nous pensions pouvoir supporter, ensemble, ce que l’avenir nous réservait : et je n’étais pas convaincue que sa part fût la meilleure, en dépit de son exemption du don fatal. Quant à moi, je crois bien que je savais alors, autant que je le sus plus tard, ce que j’étais de force à affronter pour la protection de mes élèves : mais il me fallut quelque temps pour être tout à fait sûre que mon honnête compagne réalisait pleinement ce que pourrait exiger d’elle un engagement si formidable. J’étais pour elle une étrange société, aussi étrange que celle que je recevais moi-même. Mais, revenant sur ces heures passées, je vois que nous trouvions grand réconfort à nous rejoindre sur un terrain commun, dans la seule idée qui, par une chance unique, pouvait nous apporter le calme. Cette idée, ce second mouvement, me tirèrent, pour ainsi dire, hors de la chambre secrète de mon inquiétude. Je pouvais toujours aller prendre l’air dans la cour, et Mrs. Grose pouvait toujours m’y rejoindre. Je me rappelle parfaitement comment un peu de force me revint, avant que nous nous séparassions pour la nuit.

Nous nous étions dit et redit chaque trait de l’aventure.

« Il cherchait quelqu’un, dites-vous ? Quelqu’un qui n’était pas vous ?

— Il cherchait le petit Miles. — Une lumière prodigieuse m’inondait. — Voilà ce qu’il cherchait.

— Mais comment le savez-vous ?

— Je le sais, je le sais, je le sais ! — Mon exaltation croissait. — Et vous le savez aussi, ma chère ! »

Elle ne le nia point, mais je sentais que je n’avais même pas besoin de cette assurance. Un moment après, elle reprit :

« Et s’il le voyait ?

— Le petit Miles ? C’est ce qu’il désire ? »

De nouveau, elle parut profondément bouleversée.

« L’enfant ?