Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Dieu nous en garde ! Non, l’homme. Il veut leur apparaître. »

Qu’il pût y arriver, était une conception effroyable, et cependant, en une certaine façon, je pouvais l’annihiler ; ce que d’ailleurs, tandis que nous nous attardions là, je réussissais à prouver pratiquement. J’avais la certitude absolue que je reverrais encore ce que j’avais déjà vu, mais quelque chose en moi me disait qu’en m’offrant bravement comme seul sujet à cette expérience, en acceptant, en provoquant, en surmontant tout ce qui pouvait arriver, je servirais de victime expiatoire et préserverais la tranquillité de tous les autres membres du foyer. Pour les enfants, en particulier, je parerais les coups et les sauverais complètement. Je me rappelle une des dernières choses que je dis à Mrs. Grose ce soir-là.

« Je suis frappée de ce fait que mes élèves ne parlent jamais… »

Elle me regarda fixement tandis que je m’arrêtais, pensive.

« De lui, et du temps qu’il a passé ici avec eux ?

— Ni du temps qu’il a passé avec eux, ni de son nom, de sa présence, de son histoire, en aucune façon. Ils n’y font jamais allusion.

— Oh ! la petite demoiselle ne peut pas se rappeler. Elle n’a jamais rien vu, ni rien su.

— Des circonstances de sa mort ? »

Je réfléchis avec une certaine intensité.

« Peut-être pas. Mais Miles devrait s’en souvenir, il devrait savoir.

— Ah ! ne l’interrogez pas, » laissa échapper Mrs. Grose.

Je lui rendis le regard qu’elle m’avait lancé.

« N’ayez pas peur. — Je continuais à réfléchir. — C’est plutôt curieux.

— Qu’il n’ait jamais fait la moindre allusion ? Vous me dites qu’ils étaient grands amis ?

— Oh ! pas « lui ! » déclara Mrs. Grose avec intention.