Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/61

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Tout de même, j’insistai auprès de mon informatrice.

« Je vous réponds que je lui en aurais parlé, moi ! »

Elle sentit la justesse de cet avis.

« J’ai eu tort, je ne dis pas. Mais la vérité, c’est que j’avais peur.

— Peur de quoi ?

— Des choses que pouvait faire cet homme. Il était si habile, Quint, si ténébreux ! »

Ces mots me frappèrent plus que, j’imagine, je ne laissai paraître.

« Vous n’aviez pas peur d’autre chose ? Pas de son action ?…

— De son action ?… » répéta-t-elle avec anxiété et l’air d’attendre autre chose, tandis que je balbutiais :

« De son action sur d’innocentes créatures, sur de précieuses petites existences. Elles vous étaient confiées.

— Non, elles ne l’étaient pas ! répliqua-t-elle, franchement et douloureusement. Notre maître avait foi en lui et l’avait installé ici, parce qu’on le croyait d’une mauvaise santé, et que la campagne lui serait salutaire. Et ainsi, il disait son mot sur tout. Oui, — elle l’avouait, — même en ce qui les concernait.

— Eux ? Cette créature ? — J’étouffai un cri d’horreur. — Et vous pouviez supporter cela ?

— Non, je ne le pouvais pas — et même maintenant, je ne le puis pas ! »

Et la pauvre femme fondit en larmes.

À partir du lendemain, ainsi que je l’ai dit, une surveillance rigoureuse les suivit partout : néanmoins, combien de fois, pendant cette semaine, ne revînmes-nous pas, passionnément, sur ce sujet ? Bien que nous l’eussions discuté à perte de vue, ce dimanche soir, je fus encore hantée, surtout aux premières heures de la nuit, — car l’on peut imaginer si je dormis, — hantée du soupçon qu’elle ne m’avait pas tout dit. Pour ma part, je n’avais rien dissimulé, mais Mrs. Grose me cachait quelque chose.