Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/504

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se tenir en Belgique, les socialistes portugais décidèrent de s’y faire représenter par un délégué ou un message, et se déclarèrent « solidaires, par leurs aspirations, des ouvriers socialistes du monde entier ». Le Congrès portugais avait reçu une lettre de félicitation de la Fédérations jurassienne, une autre de la Commission fédérale espagnole, une autre signée Karl Marx, F. Engels, F. Lessner, Paul Lafargue et Maltman Barry, et une autre venant du Comité central du Parti socialiste d’Allemagne.


En Italie, le Martello, le vaillant petit journal qui s’était publié successivement à Fabriano et à Iesi, avait dû suspendre un moment sa publication vers la fin de 1873 ; mais il annonça qu’il reparaîtrait le 6 janvier 1877, à Bologne cette fois, et il tint parole ; le programme de la nouvelle rédaction était signé par Andrea Costa, Augusto Casalini et Alceste Faggioli. Pendant la trop courte existence du Martello (il disparut après le 18 mars 1877), nous fûmes, grâce à lui, tenus régulièrement au courant du mouvement italien, de la formation des nouvelles sections, de l’activité de nos camarades. Parmi les faits caractéristiques qu’il signalait dans son premier numéro, je note celui-ci : « Les paysans de la commune de Mentana, province de Rome, avaient occupé des terrains abandonnés et incultes pour les cultiver en commun ; mais un escadron de carabinieri accourut bien vite ; on enleva aux paysans leurs bêches et leurs pioches, et plusieurs arrestations furent faites ».

À Florence, le 26 janvier, devait avoir lieu une grande démonstration en l’honneur du ministre Nicotera, l’ancien ami de Pisacane : les partisans du gouvernement avaient organisé un cortège qui, précédé d’une musique, devait parcourir les principales rues de la ville ; mais, au débouché de la Via dei Calzolai, une foule compacte accueillit les manifestants par les cris de À bas Nicotera! Vive le socialisme, vive le prolétariat, mort à la bourgeoisie ! La foule se porta ensuite devant la préfecture, demandant Du pain et du travail ! « La manifestation commencée en l’honneur de Nicotera, dit un correspondant du Martello, se trouva dissoute comme par enchantement au milieu des cris de la foule, qui ne voulait plus entendre parler de ministres, et criait À bas les charlatans de tous les partis ! »

Au commencement de janvier 1877 mourut Giuseppe Fanelli. Le Bulletin consacra à la mémoire de ce vétéran du socialisme italien, dont nous avions fait la connaissance personnelle au Congrès de Saint-Imier en septembre 1872, les lignes suivantes :


Fanelli avait d’abord combattu dans les rangs du parti mazzinien ; il prit part à l’expédition de Sapri, avec Pisacane, et à celle des Mille, avec Garibaldi ; mais ayant vu à quoi avaient conduit l’indépendance et l’unité de l’Italie, il embrassa le socialisme, sans renoncer à ses anciennes habitudes de conspirateur. Il fut avec Bakounine l’un des fondateurs de l’Alliance de la démocratie socialiste en 1868 ; il fit comme délégué de cette association un voyage de propagande en Espagne, et c’est à lui qu’est due la fondation dans ce pays des premières sections de l’Internationale. Dans ces dernières années, il s’était tenu à l’écart du mouvement actif, mais sans pour cela renoncer à ses principes. « Parmi nous autres Italiens, dit le Martello, il représentait en quelque sorte la prudence et la modération ; ses conseils et la connaissance qu’il avait des hommes ont été souvent utiles. Député au Parlement, il siégea à l’extrême gauche, mais il ne prit jamais de part active à la politique parlementaire. Austère et délicat en même temps, — délicat même au point d’en paraître quelquefois affecté, — il fut du petit nombre de ces députés qui répudièrent toujours tout commerce avec le pouvoir et n’intriguèrent jamais pour s’élever. Il avait sans doute aussi ses défauts : mais n’est-il pas dans la nature humaine d’en avoir ? » Fanelli repose maintenant dans le cimetière de Naples, à côté de Vincenzo Pezza,