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de nouvelles intéressantes. Il nous parlait, faute de mieux, des tricheries des compagnies de chemin de fer ; des logements insalubres, à propos desquels « des docteurs philanthropes font de beaux rapports que personne ne lit, et qui n’ont d’autre destination que d’être reliés avec luxe et rangés pour l’éternité dans les bibliothèques officielles » ; des ouvriers agricoles dupés par leur meneur, le pasteur Arch, qui prêchait maintenant la conciliation avec les fermiers, parce que ceux-ci pourraient, par leurs votes, lui permettre d’entrer au Parlement.

En Bohème, à Asch, on signalait un conflit sanglant entre des ouvriers et la police (14 mai) : les ouvriers d’une fabrique, auxquels on avait refusé une légère augmentation de salaire, s’étant mis en grève, la gendarmerie apparut, et fit feu à plusieurs reprises sur les grévistes : il y eut un mort et sept blessés.

De Russie, on nous annonçait l’évasion dramatique, d’une prison d’Odessa, du socialiste révolutionnaire Kostiourine, qui traversa la ville, le revolver au poing, dans un cabriolet conduit par un camarade, au milieu d’une foule qui n’essaya pas de l’arrêter[1].

On se rappelle la protestation envoyée au Vorwärts par treize émigrés russes (voir p. 188) au sujet de la manifestation de Notre-Dame-de-Kazan. Le Vorwärts en avait accusé réception le 6 avril, en annonçant qu’il la publierait et la commenterait dans un de ses prochains numéros : mais il ne tint pas sa promesse.

Le Bulletin écrivit ce qui suit à ce sujet (27 mai) :


Sept semaines se sont écoulées, et le Vorwärts, malgré sa promesse, n’a rien publié. Par contre, il a profité du procès des socialistes de Moscou (voir ci-dessus pages 139-140) pour tâcher de raccommoder les choses sans vouloir convenir de ses torts, et en cherchant à opposer les socialistes récemment condamnés aux travaux forcés pour crime de société secrète et de propagande, à ceux qui ont fait la manifestation de Notre-Dame-de-Kazan. À cet effet, il a publié en feuilleton, sous le titre de : Une héroïne, la traduction d’un discours prononcé devant le Sénat, lors du procès des Cinquante, par Sophie Bardina (qui a été condamnée à neuf ans de travaux forcés) ; et, après avoir fait l’éloge du dévouement de cette jeune femme et de ses co-accusés, il ajoute :

« Nous avons là devant nous une femme qui prend part, avec conviction et avec parfaite conscience de ses actes, au mouvement révolutionnaire actuel. Nous n’avons pas besoin de dire à nos lecteurs qu’une pareille façon d’agir, en opposition aux émeutes de la rue (Strassenkrawallen) et aux échauffourées à coups de fourches (Heugabelputsche), est d’une haute importance. »

Si cette phrase amphigourique veut dire quelque chose, elle doit signifier que Sophie Bardina et ses amis étaient opposés à ce que le Vorwärts appelle si noblement les « émeutes de la rue » et les « échauffourées à coups de fourches ».

Or il n’en est rien, et l’opposition que le Vorwärts voudrait établir entre les socialistes de Moscou et ceux de Pétersbourg n’existe pas ; les uns et les autres ont le même programme, et les amis des cinquante condamnés de Moscou se sont joints aux amis des manifestants de Pétersbourg pour signer la protestation contre le Vorwärts. Bien plus, les statuts du Cercle de Moscou dont Sophie Bardina faisait partie disent expressément que « la

  1. Kostiourine fut repris un peu plus tard, et figura au procès des Cent-quatre-vingt-treize.