Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par un délégué spécial, Henri Perret, qui reçut mandat de s'abstenir de voter au Congrès sur les deux questions ci-dessus[1]. Une assemblée générale de toutes les Sections se réunit le mardi 17 août ; « il y fut décidé que trois délégués seraient envoyés à Bâle au nom de toutes les Sections genevoises de langue française ; tout membre ou tout groupe pourrait proposer des candidats, qui seraient immédiatement inscrits sur un tableau ; le vote devait avoir lieu au scrutin secret, chaque membre mettant sur sa liste trois noms ; pour être admis au vote, il faudrait prouver par la présentation de son livret que l'on était en règle avec sa Section ; le scrutin devait être ouvert les samedi, dimanche et lundi 21, 22 et 23 août, de huit heures du matin à dix heures du soir[2] ». Les trois délégués ainsi élus furent Brosset, Heng et Grosselin[3]. Deux nouvelles assemblées générales approuvèrent les conclusions du rapport sur l'abolition du droit d'héritage, présenté par Bakounine[4] et celles du rapport sur la propriété collective, présenté par Robin[5] ; et les trois délégués reçurent le mandat impératif de voter à Bâle dans le sens des décsions de l'assemblée générale. Cela mettait Grosselin dans une singulière position : il devait figurer en automne sur la liste radicale comme l'un des candidats au Conseil d'État (gouvernement du canton de Genève) ; mais s'il allait, au Congrès de Bâle, voter pour la propriété collective et contre le droit d'héritage, il rendait sa candidature impossible. Comment faire ? Grosselin trouva un moyen bien simple de sortir d'embarras : il demanda au Comité central (ou Comité cantonal) des Sections genevoises l'autorisation d'aller au Congrès sans mandat impératif ; et ce Comité prit sur lui de dispenser Grosselin démettre un vote sur les deux questions compromettantes[6].

  1. Les Sociétés qui furent représentées par Henri Perret au Congrès de Bâle sont celles des monteurs de boîtes, des bijoutiers, des gainiers, des guillocheurs, des graveurs, des faiseurs de ressorts, et des faiseurs de pièces à musique. (Rapport présenté par H. Perret au Congrès de Bâle, dans le Compte-rendu officiel du Congrès, page 49. Ce rapport dit que « sauf une seule, les faiseurs de pièces à musique, ces sociétés font toutes partie du groupe des Sections de Genève et de la Fédération romande » ; donc la Société des faiseurs de pièces à musique n'appartenait pas à l'Internationale.)
  2. Égalité du 21 août 1869.
  3. Il semble, d'après le passage de l'Égalité qui vient d'être cité, que les trois délégués Brosset, Heng et Grosselin avaient été élus par toutes les Sections de Genève. Mais on ne comprend pas bien comment sept Sociétés de la fabrique ayant décidé de nommer un délégué spécial en la personne de H. Perret, ces mêmes Sociétés, ou du moins les six d'entre elles qui étaient des Sections de l'Internationale. auraient néanmoins participé ensuite à l'élection d'une délégation collective représentant toutes les Sections de Genève. Le Mémoire dit (page 95) : « Devant cette attitude de la fabrique, la séparation devint un fait accompli. Les ouvriers du bâtiment, réunis aux tailleurs et aux cordonniers, décidèrent d'envoyer de leur côté trois délégués, qui furent Heng, Brosset et Grosselin. En nommant ce dernier, les ouvriers du bâtiment, voulurent faire preuve d'un esprit de conciliation. » Ce point reste obscur pour moi, de savoir si les trois délégués Heng, Brosset et Grosselin représentèrent à Bâle l'ensemble des Sections internationales de Genève, ou seulement « les ouvriers du bâtiment, réunis aux tailleurs et aux cordonniers » ; les documents dont je dispose ne me permettent pas de l'élucider.
  4. Le rapport de la commission sur la question de l'héritage, présenté et adopté dans une assemblée générale dont la date n'est pas indiquée (probablement le samedi 21 août), a été publié dans l’Égalité du 28 août 1869.
  5. Le rapport de la commission sur la question de la propriété foncière, présenté et adopté dans l'assemblée générale du 28 août, a été publié dans l’Égalité du 4 septembre 1869.
  6. Cette singulière histoire est racontée en détail dans le Mémoire, page 76. — À Bâle, Grosselin, après avoir présenté au Congrès (séance du 8 septembre), le rapport administratif des Sections de Genève, dit que le Comité central genevois lui avait donné toute latitude pour traiter les questions de la propriété et de l'héritage comme il l'entendrait, contrairement à ce qui avait été fait pour ses deux collègues Brosset et Heng. Brosset protesta aussitôt : il dit que Grosselin avait reçu, tout comme Heng et comme lui-même, mandat impératif de voter en faveur de la propriété collective et de l'abolition de l'héritage, et que dix-sept Sections les avaient investis de ce mandat. (Compte-rendu officiel du Congrès, page 60.)