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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/246

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les grèves ; cette idée suscita une assez vive discussion, dont la suite fut ajournée.

Les assemblées du mercredi furent interrompues pendant le mois de décembre, « un grand nombre d’ouvriers devant exceptionnellement durant ce mois travailler fort tard », pour être reprises en janvier.

Fritz Heng ayant dû quitter Genève, le Comité fédéral romand choisit, le 7 novembre, pour le remplacer, F. Weyermann, bijoutier, sous réserve de la ratification de ce choix par les Sections ; aucune, naturellement, ne protesta. Peu après, un autre membre qui, jusqu’à ce moment, avait représenté avec Heng, dans ce Comité, l’élément révolutionnaire, le menuisier Duval, blessé par de puériles taquineries de Robin, dont j’aurai à parler plus loin, se rapprocha de ses adversaires et tourna le dos à ses anciens amis. De cette façon, le Comité fédéral romand se trouva entièrement entre les mains de la coterie genevoise dirigeante.


Détournons les yeux de Genève, et voyons ce qui se passait ailleurs. La Fédération romande qui, lors de sa constitution en janvier 1869, se composait de trente Sections, en comptait maintenant, en octobre, quarante-sept, savoir : vingt-six dans le canton de Genève (la Section centrale, la Section de Carouge, sept sociétés corporatives de la fabrique, neuf sociétés corporatives du bâtiment, sept sociétés corporatives d’autres métiers, et la Section des « dames ») ; onze dans le canton de Vaud, dont huit à Lausanne (la Section centrale et sept sociétés corporatives) et les trois autres à Nyon, Rolle et Vevey ; six dans le canton de Neuchâtel (trois au Locle, deux à la Chaux-de-Fonds, une à Neuchâtel) ; trois dans le Jura bernois (district de Courtelary, Moutier, Bienne), et une en France, dans la Haute-Savoie (la société des terrassiers-mineurs de Taninges). Ce mouvement de progression allait se continuer, en particulier dans le Jura neuchâtelois et bernois. Une grève des sociétés d’ouvriers monteurs de boîtes du canton de Neuchâtel et du Jura bernois, qui éclata en septembre, donna une nouvelle impulsion à la propagande ; les sociétés de monteurs de boîtes formèrent une fédération, et cette fédération adhéra à l’Internationale. Le dimanche 17 octobre eut lieu à Sonceboz (Val de Saint-Imier) un grand meeting où parlèrent des délégués du Locle, de la Chaux-de-Fonds, de Sonvillier, de Saint-Imier, de Neuchâtel, de Bienne, de Moutier, de Courtelary, de Cortébert, de Corgémont, de Sonceboz, de Malleray, de Reconvilliers ; ce meeting procura à l’Internationale de nouvelles adhésions. Le dimanche 31 octobre, une grande assemblée populaire, à Saint-Imier, discuta la question de « l’organisation ouvrière », et chargea une commission de rédiger un manifeste aux ouvriers ; le travail de la commission parut un peu plus tard, au mois de février 1870, en une brochure intitulée Manifeste adressé aux ouvriers du Vallon de Saint-Imier par la commission nommée à l’assemblée populaire du 31 octobre 1869.

Voici comment je parlais de ce mouvement d’expansion dans un article du Progrès (no 23, 13 novembre 1869) :


Développement de l’Internationale.

Le mouvement socialiste au sein de nos populations ouvrières, après avoir failli chavirer sur les écueils de la politique, a repris une vigueur nouvelle et promet de devenir bientôt aussi considérable que celui de la Belgique ou de l’Angleterre. Il y a quatre ans que l’Internationale a été implantée chez nous. Accueillie d’abord avec un enthousiasme qui, de la part de plusieurs, était certainement irréfléchi, elle avait, dès le début, trouvé de nombreux adhérents, qui firent alors plus de bruit que de bien. Des Sections, qui comptaient leurs membres par centaines, avaient été fondées un peu partout ; on prenait pour du socialisme un certain jargon républicain