Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/489

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Nous venons de former à Saint Imier, la Chaux-de-Fonds, le Locle et Neuchâtel des Comités de secours fraternel pour les réfugiés de la Commune ; cette mesure a été rendue publique par un communiqué adressé au National suisse. Grande émotion des bourgeois[1].

Faites-en autant. Adieu.


Ma femme m’avait écrit, la veille, qu’elle partirait de Sainte-Croix le samedi matin ; je devais aller à sa rencontre jusqu’à Fleurier. Je profitai de ce petit voyage pour aller rendre visite au père Meuron, que je trouvai profondément abattu par le désastre de la Commune : il n’était plus que l’ombre de lui-même.

Le 4 juin, je transmis à Bakounine une lettre de Sibiriakof, du 2, relative à l’impression de la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique. Il me la renvoya quelques jours après ; sur un feuillet blanc de cette lettre, il avait écrit, le 10 :


Mon cher. Je te renvoie la lettre de Sib. ; je l’accompagne d’une lettre qu’au besoin, si tu le trouves utile, tu peux lui envoyer. Tu as reçu maintenant, sans doute, celle que je t’ai écrite le 5 de ce mois et que je t’ai envoyée, comme nous étions convenus, par l’ami de Zürich[2]. Que penses-tu de l’arrangement que je t’y ai proposé ? il me semble réalisable. S’ils vendent 40 exemplaires [de L’Empire knouto-germanique] à Saint-Imier, la Chaux-de-Fonds, le Locle, ce qui ne me paraît pas impossible, cela fera 60 francs ; avec les 30 fr. envoyés de Munich[3], cela fera 90. Sur cela 40 fr. pour le Locle, 40 fr. pour Sonvillier[4], 6 fr. que je dois comme responsable de la Solidarité[5], 4 fr. de frais de poste. Je resterai te devoir pour deux livres de thé, si tu m’en envoies ; si tu ne l’as pas envoyé, n’en envoie pas, car j’en attends de Genève…

Quant à la somme nécessaire pour la seconde livraison, j’ai la confiance qu’elle se trouvera bientôt, et le manuscrit de cette livraison ne tardera pas de t’arriver tout complet. L’ami de Zürich se donne aussi beaucoup de peine pour compléter cette somme, et puis j’aurai encore d’autres amis.

Envoie-moi au plus vite les 210 ou 200 exemplaires, pour que je les expédie en Italie, où des amis les attendent déjà.

Je t’ai envoyé ce matin par la poste non huit, mais onze volumes de Grote[6] et quatre volumes d’Auguste Comte. Je te prie d’envoyer

  1. On se rappelle l’odieuse circulaire par laquelle Jules Favre avait invité les gouvernements étrangers à refuser le droit d’asile aux réfugiés de la Commune, et à procéder à leur arrestation immédiate et à leur extradition, attendu que « l’œuvre abominable de ces scélérats ne pouvait être confondue avec un acte politique ».
  2. Un étudiant nommé J. Ponomaref.
  3. Ceux dont il est parlé dans la lettre de Sibiriakof du 13 mai.
  4. Pour le paiement de son entretien pendant son séjour dans ces deux endroits.
  5. Il faisait partie de la société des garants, constituée à la suite de l’assemblée du 26 février.
  6. Bakounine m’avait dit, à Neuchâtel, qu’il avait à Locarno les huit premiers tomes de la traduction, par A.-L. de Sadous, de la History of Greece de Grote (un livre que j’avais lu dans le texte anglais, avec une vive admiration, lorsque j’étais étudiant à Zürich), et m’avait promis de me les envoyer. Il se trouva qu’il en possédait onze : l’ouvrage complet en a dix-neuf (et non douze, comme Bakounine, ainsi que le montre la suite de sa lettre, se le figurait). Ces volumes lui avaient été donnés autrefois par la princesse Obolensky, mais n’étaient pas coupés ; en fait d’ouvrages historiques, Bakounine consultait surtout la Kulturgeschichte de Kolb, qu’il appréciait beaucoup : il retrouvait et louait en Kolb ses propres tendences, son goût pour les Grecs et leur fédéralisme, son antipathie pour Rome et pour l’esprit conquérant.