Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/643

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tion et ne remplissait aucune fonction officielle et responsable. L’opposition de Jung eut pour résultat que l’affaire fut portée devant le Conseil général en séance plénière, et là il fut résolu de ne pas donner suite à la ridicule menace d’Engels[1].

En même temps qu’Engels envoyait son incroyable lettre, la Emancipacion, dans son no 69 (28 juillet), se livrait à la plus inouïe des délations : elle publiait, en les désignant comme traîtres à l’Internationale, les noms de tous ceux des membres de la Alianza dont ses rédacteurs avaient connaissance. On ne s’explique un acte semblable que par la rage, due au sentiment de leur impuissance, qui aveuglait ces hommes dignes de pitié.

Le Conseil fédéral espagnol adressa aux Sections d’Espagne, le 30 juillet, une circulaire pour flétrir l’indigne manœuvre de la Emancipacion ; il disait entre autres :


Ceux qui hier encore défendaient les mêmes principes que nous osent parler de trahison ! Ils osent nous accuser de nous être vendus à des hommes qui reçoivent la consigne d’un Comité établi en Suisse et qui lui obéissent aveuglément ! Voilà ce qu’osent dire ces hommes qui savent mieux que nous lesquels obéissent à la consigne, aux manœuvres et aux intrigues qui s’élaborent dans le cabinet royal de M. Marx… Accusez-nous donc, rédacteurs de la Emancipacion, d’être des alliancistes, vous qui jadis recommandiez l’organisation de la Alianza, vous qui jadis exaltiez l’excellence de cette même Alianza que vous attaquez aujourd’hui… Vous prétendez aussi que le compagnon Lorenzo, secrétaire de notre Conseil, ne pouvant résister aux intrigues et aux manœuvres des « alliancistes », s’est séparé de nous : en réponse à cela, nous avons le devoir de déclarer que si quelque chose pouvait avoir influé sur sa détermination, ce serait assurément votre conduite doctrinaire ; car, en nous quittant pour rentrer dans la vie privée, il a écrit un acte d’adhésion à la protestation publiée par la Razon de Seville contre la lettre de Lafargue aux internationaux espagnols[2], et une autre pièce dans laquelle il déclare être opposé à la conduite doctrinaire de la Emancipacion. C’est vous et non pas nous, vous le savez bien, qui êtes cause de sa retraite… Tout ce que nous venons d’exposer, nous le soumettons au jugement de tous les internationaux de la région espagnole, pour qu’ils sachent en réalité quels sont ceux qui minent l’Internationale et qui voudraient s’imposer à nous.


À la lettre d’Engels, le Conseil fédéral répondit ce qui suit :


… Nous sommes toujours disposés à rendre compte de nos actes à ceux qui nous ont élus, mais à eux seuls, parce qu’eux seuls ont le droit de nous le demander, et parce que ce sont eux seuls qui peuvent juger si nous avons oui ou non rempli le mandat qu’ils nous ont confié. Aussi, votre menace de nous déclarer traîtres si nous ne vous répondons pas par le retour du courrier ne nous inquiète en aucune façon. Nous avons la certitude d’avoir rempli notre devoir.

… Vous nous demandez, par le retour du courrier, « une liste de tous les membres de l’Alliance en Espagne, avec l’indication des fonctions qu’ils remplissent dans l’Internationale ». Diverses raisons

  1. Les détails de ce qui se passa dans la séance du sous-comité ont été racontés par Jung au congrès de la Fédération anglaise de l’Internationale, tenu à Londres le 26 janvier 1873.
  2. C’est la brochure dont il a été question p. 307.