Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/93

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gique et un but purement politique. Cette association, la première organisation socialiste en Italie, reçut le nom d’Alliance de la démocratie sociale (Soïouz Sotsialnoï Demokratii), nom qui, en dernier lieu, lorsque les communistes autoritaires allemands eurent attaché au terme de « démocratie sociale » (Social-Demokratie) une signification doctrinalo-autoritaire compromettante, fut changé en celui d’Alliance des révolutionnaires socialistes. Créée comme affirmation du socialisme à l'encontre du dogmatisme religioso-politique de Mazzini, l'Alliance plaça dans son programme l'athéisme ; la complète négation de toute autorité et de tout pouvoir quelconque ; l'abolition du droit juridique ; la négation de la conception de l'individu comme citoyen, conception qui, dans l'État, remplace celle de l'individu comme homme libre ; la propriété collective ; elle déclarait que le travail devait être la base de l'organisation sociale, que ce programme présentait sous la forme d'une libre fédération de bas en haut.

Dans l'Alliance, au commencement purement italienne, entrèrent aussi bientôt des Français et des Polonais, et beaucoup plus tard des personnes d'autres pays[1]. Les premières années de son développement et de son activité ne se rapportent pas à notre sujet. Disons seulement qu'au premier Congrès de la Ligue de la paix et de la liberté (Genève, 1867) Bakounine parut en qualité de membre de l'Alliance[2], afin d'essayer de faire adopter à cette Ligue le programme de l'Alliance : à cette époque, en effet, la Ligue ne faisait que s'organiser et n'avait aucun caractère défini, et ce premier Congrès avait justement pour but l'élaboration d'un programme.

  1. Parmi les Italiens qui faisaient partie de cette organisation secrète, on peut nommer Giuseppe Fanelli et Saverio Friscia, tous deux membres de la Chambre des députés ; parmi les Français, Alfred Talandier (dès 1864), les deux frères Élie et Élisée Reclus (en 1865), Aristide Rey, B. Malon, Alfred Naquet ; parmi les Polonais, Mroczkowski, Nicolas Joukovsky et Charles Perron y furent admis, le premier en 1867, le second en 1868. Alexandre Herzen et Nicolas Ogaref furent mis au courant, par Bakounine lui-même (lettre du 19 juillet 1866, publiée par Dragomanof. Correspondance de Michel Bakounine, p. 214 de la traduction française), de l'existence et du programme de cette organisation. « Vous me reprochez mon inactivité, leur écrivait Bakounine, et cela juste au moment où, au contraire, je suis plus actif que jamais. J'entends par là ces trois dernières années (1864, 1865 et 1866), pendant lesquelles mon unique préoccupation a été d'organiser une Société secrète internationale socialiste et révolutionnaire. Bien que j'aie la certitude que vous ne pourriez en faire partie, vu la ligne de conduite que vous avez adoptée pour votre propagande, et votre tempérament même, néanmoins, ayant pleine confiance en votre fermeté et votre loyauté, je vous envoie notre programme, qui est le développement des principes et de l'organisation de la Société ; je le mets sous une enveloppe fermée que la princesse [Obolensky] vous remettra avec cette lettre... Après un travail pénible de trois années consécutives, je suis arrivé à obtenir des résultats pratiques. À présent nous avons des adhérents en Suède, en Norvège, en Danemark, en Angleterre, en Belgique, en France, en Espagne et en Italie. Nous avons aussi des amis polonais, et nous comptons même quelques Russes parmi nous. La plupart des organisations mazziniennes de l'Italie méridionale, de la Falange sacra, sont venues à nous. » Dix mois plus tard (lettre du 7 mai 1867 : p. 252 de la traduction française), Bakounine redemandait à Herzen et à Ogaref, en ces termes, les documents confidentiels qu'il leur avait communiqués : « Remettez à Mroczkowski mes papiers, que V. vous a transmis : l'Organisation de la Société, et le manuscrit dont vous fûtes si scandalisés ». Ces deux documents, intitulés, l'un : « Organisation », l'autre : « Catéchisme révolutionnaire », ont été publiés par Nettlau (pages 209-233).
  2. Ces mots ne signifient pas que Bakounine se rendit au Congrès pour y représenter officiellement l'Alliance, — chose qui ne pouvait se faire puisque cette Alliance était une organisation secrète, — mais qu'il avait reçu mandat de l'Alliance pour aller à Genève exposer et défendre un programme qui était celui de ce groupe de socialistes.