Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/47

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fallut cependant y chercher de quoi déjeuner ; nous n’avions rien emporté avec nous, et nous ne pouvions songer à refaire à pied les trois kilomètres qui nous séparaient de la concession japonaise, sans avoir pris une collation, aussi légère et aussi peu appétissante qu’elle pût être. Enfin, après bien des hésitations, nous nous décidâmes à entrer dans une habitation délabrée, que notre guide décora du nom pompeux d’hôtel. Ce qui nous frappe surtout en approchant de la maison, c’est que nous n’apercevons aucune porte pour pénétrer dans l’intérieur ; les seules ouvertures que nous voyons sont des petites fenêtres, s’ouvrant à peu de distance du sol, et trop basses pour livrer passage à un être humain, même de la taille des minuscules japonais. Cependant notre guide franchit une de ces fenêtres, sans trop de difficulté, et nous invite à l’imiter pour arriver à la salle à manger. Nous nous rendons à son invitation, et une fois entrés, nous comprenons enfin que ce que nous avions pris pour des fenêtres sont des portes qui donnent accès dans des salles dont le sol en briques, recouvert de nattes, sert de lit pendant la nuit, et est préservé de l’humidité grâce à son élévation ; au-dessous des briques se trouve un espace vide dans lequel on allume un grand feu de charbon de terre pendant la saison froide, chaque pièce formant alors le dessus d’un poêle. Ce mode de chauffage, qui rappelle les immenses poêles de la Russie du Nord, est employé non seulement en Corée, mais aussi dans toutes les provinces du nord de la Chine.

Une fois installés dans notre salle à manger, qui ne possède ni chaises, ni table, l’aubergiste nous apporte des tasses, une petite boîte en laque remplie de thé, et place le tout sur les nattes. Notre guide, pour ne pas nous déconsidérer aux yeux des indigènes, veut bien se charger de remplir, en notre lieu et place, les formalités exigées par la politesse coréenne. Il met dans chacune des tasses une pincée de feuilles de thé, et dès qu’un domestique a rempli chacune d’elles d’eau bouillante, il les recouvre d’un petit couvercle.

Au bout de cinq minutes, l’un de nous, poussé par la curiosité et aussi par la soif, se hasarde à soulever le couvercle de la tasse placée devant lui ; mais sa physionomie trahit une désagréable surprise ; les feuilles de thé, imbibées par l’eau, nagent dans la tasse, et il n’est guère possible d’y boire sans avaler en même temps du solide et du liquide, perspective assez peu enga-