Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/49

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semblable à une gigantesque hirondelle de mer. À droite, un vallon bien cultivé s’enfonçait dans l’intérieur des terres ; et, juste en face, une ligne de collines arides, parallèles à la direction de la côte, arrêtait brusquement la vue, la forçant à se reporter avec plaisir vers les pentes vertes du vallon. Mais ce qui manquait à ce tableau, c’était un souffle de vie ; pas une barque ne bougeait dans la baie, les champs semblaient déserts, et le calme qui nous entourait nous rappelait un peu trop les immenses solitudes du far west américain.

À quatre heures, nous nous remîmes en marche, et nous étions rentrés à bord avant le coucher du soleil.

Le lendemain, un dimanche, fut consacré au repos, non pas par suite des fatigues passées, mais en prévision de l’avenir. Nous étions résolus à tenter une excursion lointaine jusqu’à la préfecture de Toraï-fou, ville importante située à 4 lieues environ de Fou-sang. C’est une véritable expédition que nous allons entreprendre. Le Consul nous conseille de coucher à Toraï-fou, pour ne pas nous fatiguer outre mesure, en faisant notre excursion en une seule journée, et aussi pour pouvoir passer la nuit dans une ville coréenne. Nous nous sommes facilement rendus aux excellentes raisons de l’aimable représentant du Mikado ; seulement ce nouveet programme nous oblige à un surcroît de préparatifs, car maintenant que nous avons acquis de l’expérience à nos dépens, lors de notre promenade au château-fort de Fou-sang, nous sommes bien résolus à emporter une ample provision de conserves, de viandes froides et de vin ; il nous faut ajouter à ces bagages des couvertures et des matelas. Mes futurs compagnons de voyage, en braves guerriers qu’ils sont, s’indignent bien un peu, lorsque j’émets la prétention de joindre ces objets encombrants à nos vivres, mais mon expérience des hôtelleries chinoises, — expérience que je crois pouvoir utiliser encore en Corée, sans grande crainte d’erreur, — me donne une ténacité dont je me serais guère cru capable. Je tiens bon contre les boutades et les moqueries de ces loups de mer, et je les décide à me laisser emporter au moins deux matelas : un pour deux, puisque nous sommes quatre.

Le lendemain matin, à quatre heures, le matelot de garde descend nous éveiller, mes compagnons de route et moi. Comme j’ai peu dormi, je suis le premier paré comme disent les marins, et