Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Djincka, me semble en effet indiquer, chez les hommes d’état coréens, des idées fort pratiques en fait d’instruction publique. Le système qu’ils ont adopté me paraît des mieux combinés pour éviter les préparations trop rapides, et les succès dus bien plus à la chance qu’au mérite. Quoique bien moins compliqué que les réformes qui ont été faites récemment, dans les modes d’examen, en France et en Allemagne, à seule fin d’atteindre ce même but, il ne doit cependant pas être moins efficace qu’elles, et il y aurait peut-être avantage à les implanter en Occident.

Dans l’espoir de découvrir encore quelque chose d’ingénieux dans l’organisation de l’Université coréenne, j’interrogeai mon guide. J’appris ainsi qu’au-dessus du Djincka, il y a un troisième titre universitaire : celui Oou-djiau, qui donne droit à ceux qui l’ont obtenu à une fonction publique soit dans l’armée, soit dans l’administration civile. Nous retrouvons encore, dans ce mélange de deux carrières si différentes, la trace de l’influence chinoise, grâce à laquelle on voit, dans l’Empire du Milieu un grand dignitaire, comme Li-Hong-tchang, exercer successivement, dans le cours de sa longue carrière, des fonctions judiciaires, financières, administratives, militaires et maritimes. De même, à Séoul, comme à Pékin et en bien d’autres lieux, la faveur l’emporte souvent sur le mérite dans le choix des futurs administrateurs. Il paraît même que les grands dignitaires du royaume acceptent des postes qu’ils se transmettent de père en fils, et qui sont devenus, avec le temps, des charges héréditaires.

Malgré le peu de cas que l’on fait à Séoul des mérites littéraires des étudiants, lorsqu’il s’agit de les pourvoir de places au détriment de courtisans ignorants, la population n’en a pas moins pour eux le plus grand respect, et à leur sens tout ce que dit l’homme qui a le droit de porter sur sa robe les deux longues ailes bleues qui constituent le bouton des lettrés coréens, équivaut aux arrêts d’une puissance infaillible. Ce respect des masses pour le savoir, même sans qu’il ait pour accompagnement la puissance, nous semble indiquer, chez les populations coréennes, une indépendance d’idées qui contraste singulièrement avec la tendance déplorable que nous avons, en Occident, à ne considérer la science que comme un meuble inutile, si elle n’a, pour la faire valoir, l’éclat des honneurs qui ne s’obtiennent le plus souvent que par l’intrigue. Au reste, le peu que j’ai eu à faire aux Coréens m’a donné une haute idée