Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/87

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elles portaient un costume semblable à celui de toutes les femmes japonaises : une longue robe retenue par une large ceinture dont le nœud forme derrière la taille une proéminence qui rappelle, d’un peu loin il est vrai, les tournures de nos élégantes. Quant à leur visage, il disparaît complètement sous une couche uniforme de poudre de riz qui le couvre d’un masque plâtreux dont la monotonie sèche est traversée par le trait criard au carmin des deux lèvres. Et au milieu de ce dernier, un point d’un rouge plus sombre, placé là où finit le creux de la gouttière nasale. Sur la blancheur poudrée de leur teint, leurs yeux et leur chevelure, du noir le plus pur, tranchent trop vivement pour former un contraste agréable ; la tournure exagérée leur donne l’air d’être courbées en deux. Les Japonaises sont donc loin de posséder toutes les beautés dont les ont parées quelques voyageurs, et si ces derniers sont de bonne foi, leur illusion ne peut venir que de ce qu’ils les ont jugées par comparaison à l’être le plus disgracieux de la Création, la Chinoise.

Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois !!!

Elles s’accroupirent sur deux lignes de trois chacune, l’une en face de l’autre. La musique ralentit son mouvement, et la danse, ou plutôt le jeu de la Djonkina commença. Les danseuses d’une des rangées se mirent à mimer, avec leurs mains, certains actes, comme de coudre, de jouer de la guitare, de laver, en accompagnant cette pantomime d’un chant aussi monotone que la musique de l’orchestre.

DJONKINA, KINA-KINA, YOKOHAMA, HOKODATA, NAGASAKI, HOUEÏ !

Elles répétèrent ce couplet tout en minant avec volubilité, et, arrivées au mot Houeï, qu’elles jetèrent avec une aspiration aiguë, elles posèrent les deux mains sur leurs genoux et se reposèrent un instant.

Pendant qu’une rangée fait ces exercices, chaque danseuse de l’autre s’ingénie à trouver l’interprétation de la mime de sa vis-à-vis. Au fur et à mesure que son adversaire imite la couturière, la musicienne et la laveuse, elle crie : coudre ! jouer de la musique ! laver ! Tant que ses interprétations sont bonnes, ce jeu continue ; mais dès qu’elle se trompe sur la valeur d’un geste, elle prend la place de son adversaire qui l’oblige à abandonner une partie de