Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/112

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— Ne vous dérangez pas, brave homme, me dit-il.

Et je vis qu’il venait là pour prendre son repas, car, ayant déposé sa faux et la pierre dont on l’aiguise, il plaça avec précaution devant lui un panier d’où il retira une terrine, une cuiller et une petite outre.

— La soupe est encore chaude, fit-il, parce que la ferme n’est pas loin d’où l’on me l’a apportée. En voulez-vous goûter ?

Et comme je n’avais pas d’écuelle, il me tendit des légumes fumants dans le couvercle de sa terrine. Après quoi il m’offrit un coup de vin que je bus à la régalade, c’est-à-dire qu’en pressant l’outre il en jaillit un filet qui s’éclabousse aux parois desséchées de la gorge.

— Merci, monsieur, vous êtes bien bon.

— Il n’y a pas… Il n’y a pas, dit-il, il n’y a pas de quoi me remercier. Mais vous m’appelez monsieur, et, tout mendiant que vous êtes, il me semble que c’est vous qui êtes le monsieur.

— Je ne sais, repartis-je, quel est de nous deux le monsieur, ou si nous avons également