Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/115

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— L’an dernier, dit-il, sans préambule, j’ai pris ici une grosse truite.

À peine avait-il parlé que la plume de sa ligne plongea violemment, le bout de la canne s’arqua, le moulinet fit entendre son déclic.

— Monsieur ! m’écriai-je, et je prenais part de tout cœur à la plus délicate des opérations, croyez-moi, lâchez encore du fil ou le poisson va tout briser ?

La truite bientôt inerte fut amenée au bord, la gueule ouverte.

Quand je vis cette belle capture étoilée reposer sur un lit de menthes dans le panier du pêcheur :

— Si, dis-je, s’il m’était permis dans mon indigence de formuler le plus ardent de mes souhaits, ce serait…

L’élégant vieillard me regarda stupéfait ; s’il m’entendait, il n’avait encore considéré que sa ligne et sa truite.

— Ce serait ? demanda-t-il.

— Ce serait d’employer mes loisirs à ce même sport que vous cultivez avec cette maîtrise. Voyons, monsieur, n’est-ce une page de Théocrite : ce grand calme du gave ici, et