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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/202

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FEUILLES DANS LE VENT

Et, chargeant à nouveau sa quenouille de cette même lumière dont il avait tissé tant d’œuvres sombrement puissantes, cette fois il la décomposa en sept notes qui furent celles d’Apollon.


II


C’est ce dernier Redon qui m’apparut, par un gai jour, sur une plage de la Guyenne. Son panama, sa claire ombrelle, son complet de flanelle neigeuse et un certain mouvement du pied qui faisait se relever en babouche des chaussures blanches, témoignaient assez de son origine exotique : riche planteur, sage de l’Inde et charmeur des serpents.

Conçu à la Martinique, il passa l’océan avant de naître et, durant la traversée, sa mère vit un spectre se lever sur les flots. Ce spectre fut-il la première œuvre que projeta, du sein qui le portait, le génie confus de l’enfant ?

Sa jeunesse s’écoula à Bordeaux et dans ce château solennel et familial, sis au milieu des fiévreux marais girondins, château qui semblait parfois donner asile à ces fantômes