Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/107

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de lui confier ce secret douloureux, car je désire que mes actions soient justiciables de ma famille. Je vous demande, au cas où moi-même je viendrais à mourir ici, qu’à l’époque de sa majorité mon neveu Henri, aujourd’hui âgé de trois ans, soit instruit de cette inhumation, et des circonstances qui la déterminèrent.

Et maintenant, reposez en paix, Mânes de ma bien-aimée Laura ! Que la miséricorde toute-puissante de Dieu soit avec vous ! Chère Ombre, vous n’êtes que la victime de mon cœur terrible et passionné ! Que je demeure seul sur la terre avec mes douleurs et mes remords, puisque vous n’avez même pas laissé à ma cruelle solitude le triste fruit de nos embrassements !

Je vous étreins, mon cher Hector, le visage inondé de larmes.

Joachim d’Ellébeuse.

En achevant la lecture de cette dernière lettre, la jeune fille sent sa vue s’obscurcir. Un bourdonnement emplit ses oreilles, en même temps qu’une sueur froide l’inonde. Elle veut se lever, mais tombe évanouie au pied du fauteuil. Peu à peu, le bourdonnement reprend plus léger. Une sensation de bien-être l’envahit. Elle revient à elle et comprend. Elle est seule. Sur sa table à toilette elle prend un morceau de sucre, l’imbibe d’eau de mélisse et l’avale… Elle s’était évanouie aussi une fois… quand elle était toute petite… Elle ramasse les lettres, les renferme dans le sachet, se couche et s’endort d’un sommeil sans rêves, jusqu’au matin.