Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/164

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terner, saisissant de la tutelle de sa fille un oncle infirme et taciturne qui trouva son avantage à gérer les biens de sa nièce et à l’éloigner le plus possible du monde.

… Almaïde s’enfonce de plus en plus dans le bois des Aldudes. Sa robe de gaze blanche ondule au zéphyr qui s’élève au coucher du soleil. Elle arrive auprès de l’eau, dépouille ses vêtements et, ravie, se plonge au creux le plus caché de la rivière. Elle voit, devant le tremblement de ses jambes charmantes, s’enfuir les reflets blancs des ablettes effarouchées. Elle frissonne à peu à peu entrer tout entière dans la fraîcheur verte et liquide où remue l’ombre des aulnes. Elle suffoque et ses épaules frémissent quand elle y est baignée tout à fait. Le silence règne sur l’eau.

Assise sur le gravier, elle éprouve une joie à se sentir loin du château qu’elle déteste, loin de ce parc dont chaque fleur lui paraît triste. Souvent elle vient ainsi, à la tombée du jour, étreindre sur sa gorge polie et ronde la douceur des eaux. Elle sait que nul ne passe en ces retraites. Et d’ailleurs, jamais d’extrêmes pudeurs ne l’effrayèrent. On la grondait, au couvent, de courir riante et peu vêtue au milieu du dortoir.

Mais, ce soir, comme elle se berce de ses rêveries, et s’amuse à voir sombrer, dans le courant,