la lettre exaltée d’Eléonore, elle entend un bruit à l’orée de la rivière. Elle regarde, enfouie dessous les feuilles…
C’est un pâtre d’une quinzaine d’années, le torse nu, sa petite culotte de toile bleue retroussée au-dessus des cuisses, qui enjambe le gué, poussant deux chèvres devant lui. Il disparaît sans apercevoir Almaïde, mais elle rougit de l’avoir vu.
Rentrée chez elle ce soir-là, elle se sent troublée par un peu de tristesse fiévreuse et se couche d’assez bonne heure après avoir salué son oncle qui, pour prendre ses repas, ne descend plus de sa chambre où il reste étendu tout le jour. Almaïde ne peut s’endormir. Ce bain était froid, pense-t-elle. Elle songe à l’eau que dore l’ombre, à la lettre d’Éléonore que le flot abaissait et soulevait en l’entraînant, aux vives ablettes, au petit berger qui passait l’eau… Il avait une figure amusante et des jambes aussi rousses que le maïs à sa récolte, et un petit torse bombé… Va-t-il souvent par là ? Jamais encore Almaïde ne l’avait rencontré. Qu’il est donc mignon, cet enfant… Il sifflait bien et ses deux chèvres étaient noires.