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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/200

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Elle n’assiste point, le lendemain, à l’enterrement du petit pâtre et, durant les jours qui suivent, demeure immobilisée par sa consternation. Enceinte ! Elle est enceinte…

Que faire ? Pauvre Almaïde ! Comme un fruit sa beauté va mûrir, fruit de passion où seraient encloses toutes les promesses des beaux jours. Malgré le deuil et l’angoisse, une puissante vie puisée à ce sol va pousser au cœur d’Almaïde sa sève ardente.

Des jours se passent. Elle se reprend. Ce n’est point que la mortelle inquiétude la déserte, mais la farouche énergie qui couve en elle s’accroît à mesure que l’instinct de la mère se définit. Elle est trop femme pour ne pas s’arc-bouter à la défense, et la première défense est le soin qu’elle prend de cacher son état. Elle l’accepte au fond d’elle-même avec une sorte de résignation aigre, sombre et passionnée. Mais cette pécheresse violente s’attache à son fruit aussi bien qu’une fleur. Et jamais à cette nature saine et belle ne viendrait l’idée que, par les montagnes, on peut trouver de mauvaises fées, qui, aux flancs des ravins stériles, cueillent des lys noirs dont le parfum tue les enfants qui vont naître.