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Almaïde d’Etremont est installée chez M. d’Astin. Tant d’événements abolissent parfois en elle la précision de la pensée jusqu’à lui faire, à de certains moments, oublier son état. Il lui arrive — chose singulière ! — de pouvoir, grâce à ces absences, goûter parfois le charme du printemps qui commence à parer le vieux domaine.

Il y a en elle comme un frémissement de source dans les herbes. Elle se dit alors : Calme-toi ; il n’y a rien qui t’inquiète.

Mais elle sort bientôt de ce rêve, et la réalité la perce alors comme une lame dont elle croit sentir la froide pénétration là, se dit-elle, où doit être la pointe du cœur. Le parfum des lilas lui fait mal jusqu’à lui donner la nausée. Toute odeur s’exagère en elle.

M. d’Astin la laisse seule autant qu’elle le désire. Elle se promène par les pelouses, caressant avec une infinie tendresse le crâne bas du vieux chien qui la suit. Elle lui parle : Oh ! que tu es bon, toi… Si tu savais…