Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/230

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vous charmerait la langueur du langage sans que l’on en comprît exactement la signification.

Cependant je pénètre davantage dans le sens murmuré par ces choses que dans celui qui est enfermé dans un idiome inconnu de moi. Je sens que je comprends, et qu’il ne me faudrait pas un très grand effort (et peut-être la poésie y arrive-t-elle quelquefois) pour traduire la volonté de ces âmes obscures, et pour noter, d’une façon concrète, quelques-unes de leurs manifestations. Il m’est arrivé de répondre mentalement à cet indistinct bourdonnement, aussi bien qu’il m’est arrivé de répondre distinctement, par mon silence, aux questions d’une amie.

Mais ce langage des choses n’est pas tout auditif. Il est aussi formé d’autres signes qui s’ébauchent pâlement sur notre âme, qui l’impressionnent trop faiblement encore, mais qui viendront mieux, peut-être, lorsque nous serons mieux préparés à la réception de Dieu.

Il est des objets qui m’ont consolé dans telles circonstances douloureuses de ma vie. Il en est qui, dans ces moments, attiraient particulièrement mes regards. Moi qui ne savais faire que mon âme pliât devant des hommes, je l’ai prosternée devant des choses. Un rayonnement s’émanait d’elles, peut-être en dehors des souvenirs que j’y