Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/231

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attachais, pareil au frisson d’une amitié. Je les sentais, je les sens vivre autour de moi. Elles sont dans mon obscure royauté. Je me sens responsable envers elles comme un frère aîné. Et, dans cet instant où j’écris, je sens peser sur moi, avec amour et confiance, les âmes de ces sœurs divines. Cette chaise, cette commode, cette plume, elles sont avec moi. Elles me touchent, et je me sens prosterné par elles. J’ai leur foi… J’ai leur foi, en dehors de tous les systèmes, de toutes les explications, de toutes les intelligences. Elles me donnent une conviction que nul génie ne pourrait me donner. Tout système serait vain, toute explication erronée, du moment que je sens vivre dans mon âme la certitude de ces âmes.

Lorsque je suis entré chez ce savetier, je me suis senti accueilli immédiatement et, sans mot dire, m’étant assis devant l’âtre auprès des enfants et du chien, j’ai ouvert mon âme aux mille voix obscures des choses.

Dans ce recueillement, la chute d’un sarment à demi consumé, le grincement de la barre dont on attisait le feu, le choc du marteau, le vacillement de la chandelle, le bruit du collier du chien, la tache noire ronde et gonflée du merle endormi, le tressautement du couvercle du pot, tout cela formait un langage sacré plus accessible à mon