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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/253

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le lin. Tu as dû danser sous les arbres avec des garçons beaux et forts et qui rient. Tu dois me trouver malade et triste. Moi je ne suis pas né aux champs au moment que l’on moissonne. Nous sommes nés dans une belle chambre, moi et une petite sœur jumelle qui mourut aussitôt. Ma mère fut malade. Les pauvres ont la santé.

Et alors, dans le lit où ils couchaient ensemble, ils s’embrassaient plus fortement.

Elle lui disait :

— J’ai ton cœur.

Il lui disait :

— J’ai ton cœur.



Ils eurent un joli petit garçon.

Et le poète, qui sentait que son mal de vivre avait fui, dit à sa femme :

— Ma mère ne sait pas ce que je suis devenu. Mon cœur se tord à cette pensée. Laisse-moi, amie, aller jusqu’à la ville, faire savoir que je suis heureux et que j’ai un fils.

Elle lui sourit, sachant qu’elle gardait son cœur, et elle lui dit :

— Va.