Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/261

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terelles ont l’air de brins d’herbes cassés qui marchent. Veux-tu revoir, ami, cet endroit ?

Le poète répondit : Oui.

Et ils s’en furent ensemble jusqu’à la rivière bleue sur laquelle il y a le ciel bleu et des noisetiers noirs.

— Voici ton enfance, dit l’ange.

Et le poète regarda l’eau, pleura et dit :

— Je ne vois plus se refléter ici les douces figures de mon père et de ma mère. Ils s’asseyaient sur la rive. Ils étaient calmes, bons et heureux. Moi, j’avais un tablier blanc que je salissais toujours, et maman l’essuyait avec son mouchoir.

Bon ange, dis-moi, que sont devenus les reflets de leurs douces figures ? Je ne les vois plus. Je ne les vois plus.

À ce moment, un joli bouquet de noisettes sauvages se détacha d’un coudrier et flotta, suivant le fil de l’eau.

Et l’ange dit au poète :

— Le reflet de tes père et mère a suivi le fil de l’eau comme ces jolis fruits. Car tout cède au courant, les objets et les apparences. L’image de tes doux parents s’est fondue en l’eau, et ce qui en reste s’appelle souvenir. Recueille-toi et prie. Et tu vas retrouver les images bien-aimées.