Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/264

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Et le poète songea à la première femme qu’il avait aimée.

Et l’ange gardien lui dit :

— Cet amour fut si pur et douloureux qu’il ne m’offusqua point.

Et tandis qu’ils cheminaient, l’ombre était douce. Des agneaux passaient. En voyant la douleur du poète, l’être divin eut un sourire grave et doux comme celui d’une mère malade. Et ses ailes d’or frémissantes chassaient les souffles du soir.



Bientôt les étoiles s’allumèrent dans le silence.

Et le ciel ressemblait à un lit paternel entouré de cierges et de douleurs muettes. Et la nuit avait l’air d’une grande veuve à genoux sur la terre.

— Reconnais-tu ceci ? dit l’ange.

Et le poète ne répondit point et s’agenouilla.



Ils arrivèrent enfin à l’endroit où se terminait la route, près de la petite tombe calme envahie de ronces, d’orties et de saponaires.