Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/28

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Tous cheminèrent ensemble dès cette nuit.

Nul ne leur pouvait nuire, car la Foi les protégeait. À ce point que, lorsque François et ses amis s’arrêtaient sur la place d’un village où des gens dansaient au bruit d’une musette, à l’heure où les ormeaux s’attendrissent, où aux tables noires des aubergistes en plein vent des filles lèvent le verre et rient, on faisait cercle autour d’eux. Et les jeunes gens qui tiraient à l’arc ou de l’arquebuse n’eussent point songé à tuer Lièvre, tant sa tranquille promenade les étonnait, tant ils auraient trouvé barbare d’abuser d’un pauvre animal qui plaçait sa confiance jusques sous leurs pieds. Et ils prenaient François pour un homme habile à dompter les animaux, et lui ouvraient parfois les granges pour la nuit, lui faisant une aumône dont il se servait pour acheter à ses bêtes ce qu’elles préféraient.

D’ailleurs elles se nourrissaient facilement, car cet automne qu’elles traversaient était généreux et faisait ployer les greniers, et on les laissait glaner dans les champs de maïs et prendre part à la vendange qui chantait dans le soleil couchant. Des filles blondes pressaient des grappes sur leurs seins lumineux. Leurs coudes levés luisaient. Au-