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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/299

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ALGER

« Réservoir de la Synagogue. »


C’était, dans les quartiers sales et puant la marée, un bâtiment carré, une impropreté magnifique et mystérieuse, une vision d’eau croupie aux grandes époques du choléra, une distribution de poissons blancs et secs et salés, en temps de famine, par des rabbins à barbes en tubes, par des rabbins souriant aux plus belles du quartier auxquelles ils eussent donné les meilleures parts.


« Réservoir de la Synagogue. »


La saleté magnifique et mystérieuse soudain se revêtait d’or et de feuilles épaisses. La poésie chantait en moi sur un autre ton. Elle disait, elle chantait :

Réservoirs ! Eaux d’argent ! Toi, Rachel, ô belle fille de Laban, tu t’en allais vers les puits d’azur ! Abreuvez les troupeaux et les dromadaires. Nous sommes de Caran. L’amour est immense et les pluies ont gonflé les citernes qui pleurent de joie comme Jacob.

Et tout, ainsi, dans cette Alger, s’emplissait de