Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/324

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Une de ces enfants se mit au piano, une autre chanta. Les notes usées semblaient s’égayer, trémolantes comme des voix de grand’mères fleuries qui eussent chuchoté sous la porte. La jeune fille qui chantait et qui est morte en religion avait l’air d’une sombre petite rose. Elle était pieuse et s’égayait doucement.

…On servait du thé trop fort, ou pas assez, dans ces soirées, des biscuits un peu humides, du lait, de l’eau de noix. La rue était silencieuse. Onze heures sonnaient. Une vieille dame se levait et disait :

— Onze heures déjà… Est-il possible… Onze heures.

Et quelqu’un lui répondait :

— La pendule avance beaucoup.



La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais mort et que je retrouvais Jean de Tinan, que j’ai vu une seule fois dans ce salon, à même époque, peut-être à même date. Il m’est donc apparu en songe et m’a invité à déjeuner en une maison de campagne située dans un petit village protestant : Bellocq. Je doute qu’il ait jamais été là durant sa vie. Mon rêve indiquait dix heures du matin.