Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/356

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Et, de la fenêtre où je suis maintenant, j’aperçois là-bas, au sommet de la vigne, le petit sentier tombant sur Chambéry. C’est là que Jean-Jacques allait guetter l’aurore, et c’est au delà de ce chemin qu’ils se promenèrent, tout un jour de fête, « de colline en colline et de bois en bois, quelquefois au soleil et souvent à l’ombre, nous reposant de temps en temps…[1] ».

C’est au sommet de la « côte » qu’il allait prier.

« Je me levais tous les matins avant le soleil… Je regardais de loin s’il était jour chez Maman : quand je voyais son contrevent ouvert, je tressaillais de joie et j’accourais…[2] ».

Je l’évoque, par un matin pur, sur ce sentier. Il marche vers la ville, un livre sous le bras, à pas comptés, la tête basse. Sa méditation l’exalte. Parfois, de son index levé, il montre Dieu et ses lèvres remuent. À sa droite, le Nivolet et le Mont-du-Désert brisent l’azur. Déjà, à contempler la hauteur noire de ces montagnes, l’âme du jeune

  1. Les Confessions, partie I, liv. VI.
  2. Id.