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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/366

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Ainsi, dans cette sombre maison, leur monotone existence s’écoulait, partagée entre les soins domestiques, la recherche des magistères et la musique.

Jean-Jacques s’adonnait maintenant tout à fait à l’étude de cet art. Il avait abandonné le cadastre et donnait en ville des leçons de chant à de charmantes élèves. L’une était « le vrai modèle d’une statue grecque[1]. » Une autre, qui était à la Visitation, avait la voix lente d’une religieuse et la paresse d’une créole. Une troisième, Mlle de Menthon, « avait au sein la cicatrice d’une brûlure d’eau bouillante qu’un fichu de chenille bleue ne cachait pas extrêmement[2]. »

Heureux temps où Petit était si choyé que Maman commençait d’en devenir jalouse. C’est alors qu’elle s’était offerte à lui « pour l’arracher au péril de la jeunesse » et, sans doute aussi, pour ne pas être soupçonnée par ses rivales d’une faute dont elle n’eût pas eu la satisfaction.

— L’ai-je élevé jusqu’à ce jour, se disait-elle, pour qu’il devienne la proie d’une Mme Lard ?

C’est dans le jardin, qu’elle avait loué dans un faubourg de Chambéry, qu’elle lui fit ses condi-

  1. Les Confessions, partie I, liv. V.
  2. Id.