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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/40

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Et François, dans la désolation, pria, le front dans la main serré, comme dans l’excès d’un mal un poète qui sent encore une fois son âme lui échapper.

Puis, s’adressant au Museau-fendu :

— Ô Lièvre, j’entends une voix qui me dit qu’il faut que tu conduises ceux-ci (et il désignait les cadavres des animaux) à la Béatitude éternelle. Ô Lièvre, il y a un Paradis pour les bêtes : mais je ne le connais point. Aucun homme n’y pénétra jamais. Lièvre, il faut que tu y mènes les amis que Dieu m’avait donnés et qu’il m’a retirés. Tu es prudent entre tous, et c’est à ta prudence que je les confie.

Les paroles de François montaient dans le ciel éclairci. Le dur azur d’hiver s’était peu à peu fait limpide. Et l’on eût cru, sous cette gaîté revenue, que l’épagneule charmante allait encore redresser la souple soie de ses oreilles.

— Ô mes amis qui êtes morts, disait François, êtes-vous morts, puisque seul j’ai conscience de votre mort ? Quelle preuve donneriez-vous au