Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/83

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Elles sortent.

Il est midi. La canicule tombe des ormeaux bleus et noirs où éclate le cri d’une cigale. L’air tremble et sue. Un souffle chaud, empli d’âmes de fleurs lourdes, se traîne.

Clara d’Ellébeuse se tient droite sur le perron une jambe un peu en avant ; et cette grâce de couventine est si naturelle qu’elle en paraît puissante… On songe à quelque eau vive traversée de soleil, ou à une cerise mordue par un oiseau. Par l’allée d’anémones du Japon, la lente voiture de M.  d’Astin s’engage, puis s’arrête au rond-point du tupilier qu’entourent les lianes des bignoniers d’où pendent ces longues corolles jaunes et rouges dont les enfants s’amusent.

M.  le marquis d’Astin met pied à terre, péniblement, car il a une jambe de bois. Appuyé sur sa canne, il agite son chapeau. Il est très grand. Le flot dressé de ses cheveux ressemble à une tulipe blanche. Sa taille mince est serrée dans un habit qui, à la base, à la roideur d’une crinoline. Il gravit le perron au bras de M.  d’Ellébeuse, salue ces dames qui l’attendent, et les suit au salon.

Sa voix est douce. Il dit en s’asseyant :

— Ma jambe de bois ne peut me laisser en paix. Elle a, depuis deux semaines, sa crise de goutte…