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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/93

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de l’orage nocturne. Des pies jacassent, un geai crie.

Mais, au milieu des bois, c’est un silence que rien ne trouble, à peine le bruissement des hautes fougères froissées par les flancs du petit âne ; c’est un recueillement de fraîcheur qui va durer là jusqu’au soir, même aux heures torrides où les maïs crépitent. Au pied d’un châtaignier, sur une éclaircie de lumière et d’émeraude, il y a des gentianes. Leurs cloches sombrement bleues tentent Clara d’Ellébeuse qui arrête sa monture, en descend, et les cueille pour les allier aux reines-marguerites et aux narcisses de son chapeau des champs, orné de rubans blancs à filets paille

Elle s’assied auprès de l’arbre et, tressant les fleurs, songe avec tristesse à la fin des vacances, à la rentrée, à la grande cour des récréations d’octobre où les feuilles dures des platanes sont agitées par le vent aigre et froid.

Jamais elle ne s’est bien résignée au pensionnat. Et c’est encore plus affreux les jours où sa mère lui rend visite au parloir. Elle préférerait, tant son regret est amer aux heures de séparation, que Mme d’Ellébeuse ne lui donnât point ces joies trop brèves, empoisonnées toujours par l’attente du départ. Lorsque la cloche sonne et qu’il faut se quitter, après une demi-heure, c’est le cœur gonflé d’angoisse qu’elle emporte à son pupitre,