Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/94

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près de la petite Vierge de métal dressée sur un autel de livres, les pâtisseries que lui envoie Mme  d’Étanges. Elle n’y peut jamais goûter le soir même et, encore, le lendemain, lui laissent-elles dans la bouche un goût de larmes, une odeur morose qu’elle a définie intérieurement : le parfum de la séparation.

— Suis-je donc sotte, se dit-elle, de songer d’avance à tout cela…

Et elle considère un escarbot qui vient de s’abattre à ses pieds.

Il est temps qu’elle rentre, surtout si elle veut revenir par la route royale. Elle se lève et, remontée sur son âne, reprend sa route à travers bois.

Le trot de l’âne rhythme ses pensées qui, toutes en ce moment, se concentrent sur la mémoire de l’oncle Joachim et de sa fiancée. Clara d’Ellébeuse songe à cette mystérieuse Laure. Toc, tec, tec — toc, tec, toc — tec, tec, toc — font les sabots du petit âne… Oh ! que je voudrais voir les colonies de Laure… Et elle se récite cette strophe d’une poésie d’Anaïs Ségalas parue au Magasin des demoiselles :

De peur qu’un maringouin ne touche à ton visage,
Tes nègres viennent déplier
La moustiquaire en gaze, et sous le blanc nuage
On voit la déesse briller.