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LE POÈTE-PAYSAN


D’où vient que le frisson des feuilles fait pâlir ?
Dans l’infini des mers, des forêts et des plaines,
Dans la petite fleur qu’un enfant peut cueillir,
J’ai deviné des yeux, j’ai surpris des haleines.

J’ai cru que tout vivait, dans l’ombre, autour de moi ;
Je suis plein de respect sous les branches pensives.
Hélas ! rien n’a jailli de ce confus émoi :
J’ai des ailes au cœur, mais des ailes captives.

Pourtant, lorsque mon cœur est meilleur en aimant,
À l’heure triste et douce où le soir se recueille,
J’ai mon cantique, aussi : je chante seulement
Comme chante l’oiseau, comme chante la feuille.

Que sais-je donc ? J’ai lu dans un livre savant
Que monsieur le curé me prêta pour m’instruire,
Qu’un poète est l’esprit qui chemine en rêvant
Et dont l’âme résonne au vent comme une lyre.