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Page:Janet - Le cerveau et la pensee, 1867.djvu/15

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En un mot, pour parler scolastiquement, l’argument des matérialistes repose sur deux prémisses, dont la majeure peut être ainsi exprimée : Si la pensée est en raison directe de l’état du cerveau, elle n’est qu’une propriété du cerveau ; et la mineure est : Or, il est de fait que la pensée est en raison directe de l’état du cerveau. De ces deux prémisses, la majeure a été cent fois réfutée ; c’est pourquoi nous n’avons pas cru nécessaire d’y insister. Mais la mineure n’a jamais été soumise à une critique précise et rigoureuse. C’est cette critique que nous avons essayée. Pour nous, il ne ressort pas des faits actuellement connus qu’il n’y a rien dans l’intelligence qui ne soit le résultat d’un certain mode du cerveau. L’expérience nous apprend sans doute que le cerveau entre pour une certaine part, pour une très-grande part dans l’exercice de la pensée ; mais qu’il en soit la cause unique et la rigoureuse mesure, c’est ce qui n’est pas démontré.

Il faut reconnaître sans doute que, lorsque l’on fait porter un débat sur une question purement expérimentale, on s’engage par là même à changer d’avis, si l’expérience vient à nous donner tort. Un argument négatif, dans l’ordre expérimental, n’a jamais la valeur d’une démonstration rigoureuse : c’est ce dont je conviens le premier. Je préviens donc, afin que personne n’en ignore, que je n’ai