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Page:Janet - Le cerveau et la pensee, 1867.djvu/75

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listes, ne considérant que les différences corporelles, trouvent à peine de quoi faire du genre humain une famille distincte, tandis qu’à considérer les différences morales et intellectuelles ils en feraient volontiers un règne à part ; mais c’est précisément cette antinomie qui doit étonner et faire réfléchir tous ceux qui n’ont pas de parti-pris, et n’ont pas pour leur propre système cette foi aveugle qu’ils reprochent aux autres. M. Ch. Vogt nous dit avec ce ton de mépris bien peu digne d’un savant : « La gent philosophe, qui n’a vu de singes que dans les ménageries et les jardins zoologiques, monte sur ses grands chevaux, et en appelle à l’esprit, à l’âme, à la conscience et à la raison ! » Sans monter sur nos grands chevaux, nous dirons à M. Vogt : La race nègre a donné un correspondant à l’Institut[1] ; connaissez-vous beaucoup de singes dont on puisse en dire autant ?

Je suis d’avis que l’on ne doit pas mêler les questions morales et sociales aux questions zoologiques ; je voudrais cependant que l’histoire naturelle ne montrât pas une trop grande indifférence morale, et que par sa prétendue impartialité elle ne blessât

  1. Lislet Geoffroy, géomètre d’Haïti (voy. Quatrefages, Unité de l’espèce humaine, p. 286). On a dit qu’il n’était pas un bien grand géomètre, soit ; mais, après tout, un mathématicien, même ordinaire, est encore très-supérieur à un singe.