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Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/336

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présenter des descriptions purement imaginaires de certaines modifications que l’on suppose devoir être dans tel ou tel centre nerveux. Que penserait-on aujourd’hui d’un auteur qui aurait la prétention d’établir la localisation d’un centre nerveux très simple dans la moelle ou dans le bulbe et qui procéderait uniquement de cette manière? Je trouve bien singulière l’attitude de beaucoup de neurologistes qui sont très sévères sur les méthodes employées quand il s’agit de localiser simplement l’origine d’un nerf spinal et qui deviennent tout à fait indulgents quand il s’agit de localiser les phénomènes les moins connus et les plus complexes de la pensée. On a singulièrement abusé des localisations corticales pour expliquer les troubles psychologiques qu’on ne comprenait pas. Gall disait autrefois avec quelque naïveté : « Ces hommes sont des voleurs parce qu’ils n’ont pas la bosse de l’honnêteté ». Sommes-nous aujourd’hui beaucoup plus sérieux quand nous disons : « Le centre du langage est obnubilé, c’est pour cela que votre fille est muette »? Il ne faut pas oublier que de telles suppositions qui amusent les esprits superficiels n’ont rien à voir avec l’anatomie pathologique ni avec la physiologie et que, malgré les prétentions de leurs auteurs, de telles études ne sont anatomiques ou physiologiques que de nom. Ce sont en réalité des caractères psychologiques, plus ou moins mal compris d’ailleurs, que l’on traduit grossièrement dans un langage vaguement anatomique. Au lieu de dire modestement : « La fonction du langage semble être séparée de la personnalité normale du sujet, c’est tout ce que je constate », on dit fièrement : « Le centre du langage n’a plus de communication avec les centres les plus élevés de l’association »; au lieu de dire : « La synthèse mentale semble être diminuée », on dit : « Le centre le plus élevé de l’association est endormi », et le tour est joué. Un