Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’étonnait : une mine, une contre-mine, une barricade. Il excellait à planter un drapeau gris de lin (c’était la couleur du drapeau du Ludistan) sur les tourelles les plus élevées ; il entrait par la brèche et défiait les canons les mieux rayés. Avec cela, modeste un peu plus qu’il ne convient à des victorieux. Quoi d’étonnant ? il avait appris la modestie à l’école d’un jeune lièvre qui tirait un coup de pistolet, et qui respirait l’odeur de la poudre avec autant de bonheur que la suave odeur du thym ou du serpolet.

Ce brave Azor menait de front l’utile et l’agréable ; en même temps qu’il enseignait l’exercice à son élève, il lui montrait comment on plaît aux dames ; il relevait le mouchoir de celle-ci, il présentait ses gants à celle-là. Il sautait pour le roi, pour la reine, et parfois pour le ministre. Il flattait le riche, et voilà le miracle : il épargnait le pauvre ! Enfin, docile à ces exemples, Noémi plaisait à tout le monde.

Aussi bien la reine et le roi ne tarissaient pas sur les louanges de leur fils adoptif : « Il a tout deviné, disaient-ils ; sans maître, il apprend toutes choses ; à la chasse on ne sait pas comment il s’y prend, mais jamais il ne revient bredouille. » Ils ne se doutaient pas, ces bons princes, que l’épagneul faisait lever tout ce gibier sur les pas de son cher Noémi.

« Et maintenant, se disait maître Azor, il ne manque à mon disciple que d’être un ménager de son propre bien, et il le menait dans le domaine des fourmis.— Je veux aussi qu’il soit un habile artiste, » et de bonne heure il l’éveillait pour qu’il entendit le tireli joyeux de l’alouette matinale. Il faisait de toutes les créatures de ce bas monde autant de maîtres excellents pour l’enfant de son adoption : le cygne enseignait à nager au petit Lysis, le