Page:Janin - Critique dramatique (1877) - Tome 2.djvu/307

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sérieuse ; ils ont fait pis que cela, juste ciel ! pendant qu’ils fermaient à ce marquis de la famille toutes les carrières utiles, ils lui ouvraient impitoyablement la plus dangereuse et la plus malheureuse des carrières que le XVIIIe siècle ait ouvertes aux esprits médiocres, aux âmes endurcies, aux éducations mal faites, aux jeunes gens sans mérite et sans vertu... je veux parler ici de cette profession, nouvelle en ce monde (en tant que profession), la profession d’homme de lettres.

Aujourd’hui, dès qu’un homme est à charge aux autres et à soi-même, aussitôt qu’il n’est plus bon à rien, soit qu’il ait abandonné de son plein gré l’étude du notaire, ou forcément le comptoir de l’agent de change, soit qu’il ait été ruiné dans quelque spéculation impossible, ou remercié par le gouvernement de l’emploi qui le faisait vivre, on le voit arborer fièrement le plumet littéraire et, sous ce titre inconnu jadis d’homme de lettres, affronter tous les hasards d’une vie oisive, inutile et sans but.

Quoi donc ! pour exercer le plus facile des arts mécaniques il faut un apprentissage, et pour cette rude et difficile profession des lettres on se contente du hasard ! — Quoi ! pour mettre une queue à un bouton il est nécessaire d’être un an chez un maître, et le grand art de parler aux esprits