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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

Vernet, l’autre jour, Vernet (en ces temps de désordre on accepte tous les bons exemples) ce bon comédien de la vieille roche, a donné, à propos de la Marseillaise, un exemple que l’on devrait bien suivre ; il a été plein de goût, de courage et d’esprit ; et voici comme. Il jouait un rôle nouveau dans une pièce nouvelle intitulée le Mendiant. Ce mendiant s’appelle le père Maupin. Le père Maupin a été toute sa vie un grand amateur du farniente. Il a mieux aimé tendre la main que de gagner son pain de chaque jour, à la sueur de son front. Naturellement, le père Maupin a beaucoup déclamé contre les maîtres, en faveur de l’ouvrier ; mais enfin, dans le fond de sa pensée, le père Maupin est un bon diable. Il est revenu des vanités de ce monde ; il méprise l’ambition comme le plus dur des oreillers ; il s’est fait peu à peu le commensal de toutes les cuisines du quartier ; il est l’hôte d’une rue, et il vit assez grassement de toutes les miettes tombées de la table du riche. Bref, tout pauvre qu’il est, le père Maupin accepte le riche comme un mal nécessaire. Mais à côté du mendiant de la vieille roche, vous avez le mendiant de la nouvelle école : Baberlot, l’ami, l’indigne ami du père Maupin. Ce Baberlot est le dandy du genre. Il est un des grands rêveurs de la loi agraire ; s’il tend la main, c’est en attendant mieux. Le bon Maupin, qui ne se doute pas des mauvaises passions de Baberlot, lui donne des leçons de musique ; il lui enseigne à jouer toutes sortes d’airs sur la clarinette. Là se place la leçon que Vernet a donnée très-sagement à tous les fanatiques de ce temps-ci.

Dans la scène où le vieux mendiant donne sa leçon de clarinette à Baberlot : — Que veux-tu que je te joue ? dit Vernet. — Alors, un des fanatiques du parterre, s’écrie — la Marseillaise ! à quoi la salle répond — Non ! Alors Vernet reprenant son instrument — « Je vais te jouer, dit-il à Baberlot : J’ai du bon tabac dans ma tabatière, j’aime mieux ça. » — En effet, Vernet a joué ce grand air, et d’une façon supérieure :

J’ai du bon tabac
Dans ma tabatière,
J’ai du bon tabac,
Tu n’en auras pas.

Ah ! vous aimez mieux cela, mons Vernet, en vérité vous n’êtes