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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

À ces mots, notre provincial indigné se demande de quel droit on joue en ce lieu, un drame chargé de ces impitoyables démentis donnés aux enseignements de l’histoire, à l’exécration de nos pères, aux premières leçons de notre enfance, à la haine et au mépris indestructibles de la postérité ?

« Oui, c’est un épouvantable spectacle, le Panthéon tout grand ouvert à ces noms horribles dont l’écho seul est encore une épouvante ; c’est la plus malheureuse de toutes les tentatives, la réhabilitation de ces hommes affreux que la France adorait, il n’y a pas si longtemps, sur les autels de la peur ; c’est un vrai malheur pour un homme ami de son pays et de sa gloire d’assister à cette réaction perfide du drame contre les faits de l’histoire, contre les attestations les plus sincères et les souvenirs les plus cruels des contemporains. »

Dans tout ce passage, il y avait un accent qui était vrai, une parole digne d’être écoutée ! Bientôt Camille Desmoulins disparut de l’affiche du Théâtre-Français, on le croyait à tout jamais parmi les drames morts, lorsque, dix-huit ans après, il reparut sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, enfant mal né d’une révolution, exhumé par une révolution ! En littérature révolutionnaire, il est rare que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets : les révolutions elles-mêmes sont-elles autre chose qu’un immense plagiat ?

Le mélodrame consacré au Marquis de Fauras, reposait sur les mêmes cris, les mêmes peurs, les mêmes meurtres ! Tous ces drames révolutionnaires portent la même livrée et procèdent par les mêmes moyens. Au premier tableau, la populace crie : À la lanterne ! Au second tableau, la populace porte des têtes coupées au bout des piques. Le quatrième tableau représente une visite domiciliaire, et ainsi de suite le tribunal, le cachot, la toilette, l’échafaud. Dans ce mélodrame, on voyait Théroigne Méricourt, cette goule du 10 août, qui s’en allait les seins nus, les cheveux épars, à cheval sur les canons. Qui raconte un de ces drames, raconte tous les autres ; cependant je ne veux pas passer sous silence un très-curieux incident du Marquis de Favras :

« Je disais donc qu’à la dernière scène on voit la potence, une échelle est appuyée à cette potence, et l’illusion est au dernier complet. Chose étrange ! cette échelle et cette potence ont com-