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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

promis le succès de la pièce ! L’administration de la Gaîté est d’autant plus coupable en ceci, que les bûchers et les hideuses chemises soufrées des Dragonnades lui avaient déjà valu une sévère leçon. La leçon continuait hier. La pièce finie, Adrien est venu pour nommer les auteurs. Alors, du milieu du parterre, mille voix se sont élevées, criant : Ôtez l’échafaud ! ôtez l’échafaud ! Et, par ses trépignements, ses sifflets et ses cris, toute la salle a protesté contre l’échafaud. L’opposition a duré plus de dix minutes. L’administration, qui tenait à sa potence, ne comprenait pas ce qu’on lui demandait. Alors, on a crié de nouveau : Ôtez l’échafaud ! ôtez l’échafaud ! et force a bien été de venir enlever cette échelle et ce poteau final.

« Vous voilà donc dûment avertis, vous tous qui écrivez, qui jouez ou qui montez des drames,… avant tout, obéissez à la voix du peuple, ôtez l’échafaud. C’est le seul mot consolant que nous ayons entendu au théâtre depuis six mois. »

LE COLLIER DE LA REINE.

Quand la queue abominable de ces histoires en pleines ténèbres eut été épuisée à force de sévices et d’injures graves, comme il est dit dans les séparations de corps, messieurs les auteurs montèrent volontiers de la cause au principe, et l’on nous donna, pour commencer, cette histoire infernale avec laquelle on a fait tant de grosses histoires et tant de mauvais romans : le Collier de la Reine.

La maladresse, et la mauvaise foi en tout ceci, étaient d’autant plus dignes de blâme et de colère que racontée avec le zèle et le soin d’un honnête homme qui évite avant tout, dans une pareille histoire, ce qui peut ressembler au roman, cette histoire fameuse ne perdrait rien de cette curiosité mêlée de pitié et de respect qui entoure la reine de France à l’épogée de ses malheurs.

« Vers la fin du règne de Louis XV, un bijoutier, nommé Boëhmer, avait réuni à grands frais, un assortiment des plus beaux diamants en circulation dans le commerce, pour en composer un collier à plusieurs rangs qu’il se proposait de faire acheter au roi pour madame Dubarry. Cette parure s’élevait au prix de seize cent mille livres. Louis XV mort, Boëhmer proposa sa parure à