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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

guste personnage, aurait été ainsi plus vrai, plus juste, et surtout plus à l’aise dans ses invraisemblables développements.

J’ai déjà dit qu’au premier acte, la reine, à l’aspect du collier, exprimait le plus vif désir de l’avoir, c’est une erreur. Il se trouve aussi que madame de Lamotte est très-connue de Sa Majesté. Dans ce drame, madame de Lamotte est à-la cour sur un très-bon pied ; elle parle très-hardiment au ministre M. le baron de Breteuil, la reine la prend par la main, et la recommande vivement ; autre erreur. Marie-Antoinette n’avait jamais parlé à cette intrigante et odieuse femme qui l’a chargée de tant d’outrages ; madame de Lamotte, quoi qu’elle eût dit, n’a jamais approché de la reine. Il est vrai que cette femme descendait de Henri II par un Valois, bâtard des princes de ce nom. C’était une famille que des vices héréditaires avaient perdue. L’un d’eux, à qui Louis XIII demandait ce qu’il faisait à sa campagne, répondit au roi : Je n’y fais que ce que je dois, Sire ; en effet, on découvrit qu’il était un faux monnayeur.

Voici donc, au premier acte de ce drame, madame de Lamotte à la cour, parlant à la reine, et ne pensant d’abord qu’à gagner un pot de vin de 50 000 fr. Au second acte, madame de Lamotte pense à voler le collier. Elle a pour aide de ses projets deux escrocs, monsieur son mari d’abord, et surtout son amant nommé Villette, faussaire expert, qui contrefait l’écriture de la reine à tromper le cardinal et Boëhmer ; sur l’entrefaite, arrive le cardinal qui, non content des lettres de la reine, demande absolument un entretien avec elle. Grand désespoir des co-associés ! Cependant le hasard, qui les sert, vient encore à leur secours.

Dans l’histoire, ce hasard c’est tout simplement une fille du Palais-Royal qui, par sa prodigieuse ressemblance avec madame de Lamotte, trompe le cardinal dans une nuit d’été. Le mélodrame est plus difficile que l’histoire, la fille du Palais-Royal lui a fait peur, il en a fait noblement une jeune personne dont le père est condamné à mort, qui vient implorer sa grâce, et qui s’imagine l’obtenir en se faisant passer pour la reine, dans les jardins même de la reine, dans la galerie même de Versailles ! On reconnaît bien là des dramaturges vieillis dans le métier. Il faut bien être dramaturgiste dans l’âme pour mêler un amour à cette es-