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Page:Janin - Histoire de la littérature dramatique, t. 1, 1855.djvu/258

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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

dernière scène, grâce à Louis, le collier est remis aux mains de la reine elle-même, tout est sauvé : la réputation de la reine, les diamants de Boëhmer et le père de la fausse Marie-Antoinette, et son mariage avec celui qu’elle aime : heureux et languissant dénouement que l’histoire ne ratifie pas.

Car dans cette malheureuse affaire, le cardinal de Rohan fut acquitté par le parlement, qui croyait faire acte de liberté ; madame de Valois fut fouettée par la main du bourreau, nouvelle et gratuite insulte faite au sang royal de France ; et la reine, livrée désormais aux plus lâches calomnies, aux vils pamphlets de madame Lamotte, venus de Londres, perdit de ce jour le bonheur et le repos. »

Vous verrez plus tard, quelques jours après la révolution de 1848 (les mêmes effets produisent les mêmes causes) un drame entier complet, sous ce titre : Louis XVI, mais le drame, en 1830, n’osa pas aller si loin, il s’arrêta sous les murailles du Temple, cette caverne où le tigre de 1792 emporta sa proie innocente… En revanche, le drame de 1830 s’empara triomphalement de la première aurore des libertés de 1789, ou pour parler d’une façon moins fleurie et plus vraie, on vit soudain sur tous les théâtres de Paris, après Juillet, Mirabeau lui-même qui disputait l’attention publique à Napoléon Bonaparte ; il y avait autant de Mirabeau sur nos théâtres que de Bonaparte, de Catherine ou de Potemkin :

CATHERINE II.

« À quoi pensez-vous que l’art dramatique se soit occupé depuis trois mois ? Le théâtre a rencontré deux biographies nouvelles, et il les exploite. Mirabeau d’abord. Nos auteurs ont jeté Mirabeau dans tous les moules ; ils l’ont mis en mélodrame et en vaudeville ; nous avons vu à l’Ambigu-Comique les Deux Mirabeau dans une auberge, déclamant contre le juste-milieu. Encore un grand nom qu’ils ont flétri ! Encore une belle vie gaspillée sur les planches ! Soyez donc un grand homme ; appelez-vous Bonaparte ou Mirabeau ! Vous serez traité comme une marchandise. En vérité, il y a cinq ou six ans, quand on jouait Mandrin et Car-