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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

mes des palais impériaux ; il est aveugle et sourd, il répète tout ce que les histoires les plus terribles ont d’infamies, il porte la queue de madame Dubarry et de Catherine II : Zamore a remplacé Melpomène, et, dans tous ces spectateurs haletants, c’est à peine s’il en est quelques-uns qui s’aperçoivent que le théâtre a changé. Malheureux et ingrat public !

Cela est triste. Tous ces drames sans intelligence et sans respect pour personne sont un spectacle affligeant. Vraiment l’art a perdu beaucoup à ce nouveau système dramatique sans amour et sans colère, comme l’histoire, qui raconte tranquillement ce qu’il a appris, s’inquiétant peu de réprimande ou d’éloge. Depuis que l’auteur dramatique s’est dépouillé de ces passions qui faisaient le drame, le drame n’est plus. C’est une grande perte que nous avons faite là. »

Voilà pour les Catherine ; de tous les Mirabeau, je choisis le plus complet : ces Mirabeau ont fait passer de cruels moments au fils adoptif du fameux tribun, M. Lucas-Montigny. M. Lucas-Montigny avait voué à son illustre père un culte voisin du fanatisme, et chaque fois qu’il voyait cette grande mémoire livrée en jouet à la multitude, il se montrait le plus malheureux et le plus indigné de tous les hommes. Que de fois j’ai été le confident de ses douleurs, que de fois je l’ai calmé dans ses projets de châtiment et de vengeance ! Il me semble que je le vois encore au beau milieu de l’orchestre, assistant, l’œil en feu, à cette infime apothéose de Mirabeau, son roi, de Mirabeau, son dieu !

Le feuilleton que voici a été écrit sur les notes même de M. Lucas-Montigny, et encore le lendemain, quand je m’étais donné bien de la peine à le suivre, il n’était pas content de moi :

MIRABEAU.

« Je suis réduit, à propos de Mirabeau, à faire une analyse ; dans cette analyse il y aura beaucoup de tableaux, beaucoup de dates et d’exactitude, plaignez-moi !

Au premier tableau vous êtes à la Bastille chez M. Lenoir. Vous assistez aux réclamations des prisonniers qu’on renferme, aux actions de grâces des prisonniers qu’on rend à la liberté. On a enfermé un abbé dans une bibliothèque, une femme enceinte