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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

LA JEUNESSE DE RICHELIEU.

Certes, le Théâtre-Français était bien ridicule et bien odieux, lorsqu’il se mettait à représenter, ainsi, sans vergogne et sans pudeur les œuvres nouvelles, nouvellement sorties du cerveau de ces révolutionnaires en travail ; mais le crime et la honte du Théâtre-Français semblent grandir encore, lorsque, par la violence même du torrent qui emporte la société tout entière, il revient, sans qu’on l’en prie et que rien l’y force, à son vomissement, ramassant, dans l’ordure où elle est enfouie, une comédie intitulée : la Jeunesse de Richelieu, par le citoyen Monvel, célèbre autrefois pour avoir déclaré une guerre à mort aux prêtres, aux aristocrates et aux rois :

« Il faut, en vérité, disais-je alors, et chacun de m’applaudir, que le Théâtre-Français soit bien oisif pour remettre en lumière des œuvres pareilles. Par quelle recommandation littéraire, par quels souvenirs, par quel genre de plaisir malsain et bavard se peut justifier la reprise inattendue de ce mélodrame du troisième ordre ? À quoi bon renouveler dans ces temps dangereux ces insultes brutales dirigées à bout portant contre ce pauvre ancien régime qui n’existe plus nulle part ? Que nous font à nous qui nageons en pleine égalité, ces exécrations ampoulées, ces diatribes furibondes, ces récriminations perfides, dirigées contre d’innocents grands seigneurs qui sont morts, et que la révolution française a fait disparaître, eux et leurs enfants, et leur blason et leurs fortunes et leurs honneurs ? Nous comprenons toutes les passions politiques et toutes les exagérations littéraires. S’attaquer à celui qui est fort, lutter avec le puissant, flatter même les colères de la rue et fonder un grand succès de huit jours sur les haines implacables et fugitives de la foule ; prodiguer dans son œuvre l’ironie, le venin, la vengeance, à la bonne heure. C’est presque le droit de quiconque tient une plume, et fait marcher des hommes sur le théâtre ; que dis-je ? c’est plus qu’un droit, c’est un usage. Il le faut. Dans la chose constitutionnelle, la vie de chacun appartient à tous. On n’arrive à la puissance, à la renommée, à l’autorité, à la gloire, qu’en subissant chaque jour et durant tout le jour, cette rude expiation. Quiconque